M. François HERMET, maître de conférences en économie de l’université de La Réunion et membre de l’OPMR, est intervenu le 20 juin 2016 sur l’octroi de mer(OM) dans le cadre des travaux de la commission études de l’Observatoire. Sa présentation a permis de rappeler les grands principes relatifs à l’octroi de mer (OM) avant d’évaluer l’incidence de cette taxe sur le coût de la vie à La Réunion ainsi que les raisons du décalage entre la réalité et la perception des Réunionnais sur cette question.
Le bénéfice de l’OM est compris entre 350 et 400 millions d’euros par an
Après un bref rappel historique et des trois principaux objectifs associés à l’OM (soutien à la production locale, financement des collectivités locales et instrument de politique économique visant notamment à influer sur les habitudes de consommation des Réunionnais), François HERMET a insisté sur l’existence d’un différentiel de taxation entre les biens importés ou produits localement, visant à compenser les surcoûts de production inhérents à l’activité économique insulaire, en rappelant au passage que plus de 95 % en moyenne des recettes proviennent de la taxation des importations. Constitué en réalité de deux taxes distinctes, l’OM stricto sensu et l’octroi de mer régional (OMR), leurs recettes sont réparties entre la direction régionale des douanes (2,5 % au titre des frais d’assiette et de recouvrement), la Région, les communes (via la dotation globale garantie aux communes qui représente environ 30 % de leurs recettes de fonctionnement) et le fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE). Représentant environ le 1/3 des recettes dans l’ensemble des DOM, le montant perçu à La Réunion s’élève en moyenne entre 350 et 450M€, avec des fluctuations importantes du fait de l’indexation de l’OM sur la valeur des marchandises qui varie fortement en fonction de la conjoncture économique.
L’incidence de l’OM sur le coût de la vie doit être relativisée
Selon le rapport LENGRAND relatif à l’évaluation de l’impact de l’octroi de mer dans les DOM de septembre 2011, fondé sur les chiffres de 2009, le taux moyen d’OM sur le prix en douane des biens importés est de 7,83 % (En ajoutant les marchandises produites localement, le taux moyen d’OM sur l’ensemble des marchandises en douane ou en sortie d’usine est réduit à 5,76 %). En prenant en compte le circuit local de distribution incluant notamment les marges des importateurs grossistes ou encore des détaillants, le taux moyen d’OM final sur les marchandises importées est légèrement inférieur à 5 % (4,9%). Aussi, pour les produits importés uniquement, en ajoutant le taux standard de TVA à La Réunion de 8,5 %*, le taux moyen de taxation peut être estimé à 13,8 % contre 19,6 % en métropole à la même époque. En prenant en compte le différentiel des taux de taxation, il apparaît également que :
plus de 20 % en valeur des marchandises importées ne sont pas soumises à l’OM ;
plus des ¾ des produits importés (en valeur) sont taxés à 4 % ou moins (6,5 % en ajoutant l’OMR) tout en représentant moins du 1/3 des recettes fiscales totales ;
20 % des importations qui sont taxées à 18 % ou plus (OM + OMR), rapportent près des 2/3 de ces recettes.
Il importe enfin de rappeler qu’un taux de TVA réduit de 2,1 % s’applique sur les biens qualifiés de « première nécessité » (tels que le lait, le pain, le riz…). L’OM ne s’appliquant pas sur la quasi-totalité de ces biens, la taxation totale sur le prix final de ces produits est donc de 2,1 %.
Le déficit de concurrence est la cause principale de la « vie chère » à La Réunion
Bien que le taux d’octroi de mer additionné à la TVA locale soit bien inférieur en moyenne au taux de TVA appliqué en métropole, le sentiment largement partagé au sein de la population réunionnaise est que l’OM est l’une des principales causes de la « vie chère » sur notre territoire. Il s’agit donc de comprendre les raisons d’un tel décalage. Celui-ci tient probablement en grande partie à l’opacité de l’OM. En effet, contrairement à la TVA qui s’applique sur le prix de vente en magasin, dans la mesure où l’OM s’applique sur les prix en douane ou sortis d’usine, le consommateur ne connaît pas le taux de cette dernière taxe effectivement pratiqué sur chacun des produits qu’il achète. De cette ignorance sur le taux d’OM effectivement payé par les consommateurs découle sans doute une surestimation plus ou moins consciente de celui-ci. Ce décalage s’explique sans doute aussi par la spécificité de cette taxe qui ne s’applique que dans les DOM, contrairement à la TVA qui s’applique sur tout le territoire , et qui vient donc s’ajouter à cette dernière, même si les taux ne sont pas les mêmes.
Plutôt que d’incriminer l’OM, il apparaît finalement plus judicieux d’analyser de manière approfondie les conséquences de la structure de l’économie réunionnaise sur les niveaux de marge pratiqués aux différentes étapes de la chaîne de valeur pour discerner les principales causes de la vie chère, l’enjeu majeur étant de créer les conditions d’une concurrence réelle dans tous les secteurs à La Réunion.
* En comparaison avec l’OM, les recettes de TVA perçues à La Réunion étaient légèrement supérieures et ont même eu tendance à augmenter plus rapidement selon les derniers chiffres disponibles au moment de la publication du rapport LENGRAND entre 2000 et 2009. L’assiette de la TVA est en effet à la fois plus large (comprenant les services, qui se développent rapidement à La Réunion, contrairement à l’OM qui ne s’applique que sur les marchandises) et moins volatile que celle de l’OM.
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